Texte: Une recherche


  

 Une recherche 


"Woman with cat" (Jiri Petr)


Elle se réveille sans se sentir éveillée. Elle marche sans faire attention au paysage qui l’entoure. Elle travaille, elle mange, elle parle parce qu’elle doit le faire. Mais au fond d’elle, il y a un vide. Un cercle noir, profond et froid remplaçait son cœur et son estomac. C’est la seule sensation qui l’accompagne chaque jour. Tout cela a commencé il y a longtemps, après qu’elle ait perdu ses parents et son unique frère dans un accident de voiture. Quand elle avait ouvert la porte et qu’elle avait vu le policier soupirer avec un regard lourd de pitié, elle a compris que quelque chose est arrivée. La mauvaise nouvelle l’avait anéantie, détruite, vidée. Elle a dû être alitée pendant plusieurs mois tellement le choc a été violent. Mais depuis, elle ne se connait plus. Elle a écouté des psychologues, des psychiatres, des prêtres. Personne ne l’écoutait ou arrivait à l’aider. Ou plutôt, personne n’arrivait vraiment à comprendre ce qu’elle recherchait. Les gens pensent qu’elle a besoin de retrouver un mode de vie stable, un quotidien réconfortant, un bonheur simple. Elle se cherche elle-même. Après l’horrible accident, elle a été brisée de l’intérieure, quelque chose ne fonctionnait plus. Elle a senti que son être et son âme ont été fissurés et que les deux parties se sont séparées et se sont décalées, comme quand on casse un miroir et que la fissure partage le verre en deux et qu’une des parties glisse alors que l’autre reste collée au mur. Les gens pensent qu’elle est à la recherche d’un temps perdu, d’un temps qui a été arrêté quand elle a été tétanisée par le choc. Mais elle n’est pas Proust, elle ne recherche aucun temps. Elle recherche son identité, son essence. Qui est-elle maintenant ? Comment vivre avec elle-même alors qu’elle ne sait plus qui elle est ?  Quand elle se regarde dans le miroir, elle ne voit personne. Elle a besoin d’une renaissance.
Un soir, en rentrant de son travail, elle entend un faible miaulement venant d’une allée sombre séparant deux immenses bâtiments. Elle s’arrête, fait deux pas en arrière, tend l’oreille et entend un son ressemblant à celui d’un chat. Elle hésite avant de s’aventurer dans cette étroite ruelle. Elle découvre alors un minuscule chaton, caché à côté de l’une des quatre roues noires d’une gigantesque poubelle. Les poils grisâtres et blanchâtres du petit animal sont hérissés à cause du vent violent et de la saleté du milieu dans lequel il a trouvé refuge. Quand il lève ses petits yeux jaunes et tendres et émet un faible miaulement, elle sourit. Cela fait des années que les traits de son visage sont aussi froids et impénétrables que ceux d’une statue. Et là, elle sourit. Quelque chose se met à fonctionner au fond d’elle. Elle se baisse, pointe son doigt vers le chaton et frôle ses courts poils hérissés. Le minuscule être ferme les yeux et se met à ronronner. Elle comprend que le chat se sent en sécurité. Elle déroule son épaisse écharpe, la plie en deux, et pose le chaton au milieu avant de le couvrir complètement. Elle ne sait pas que ce chaton l’aidera dans sa recherche et sera le guide vers sa renaissance.

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