"La bête humaine" d'Emile Zola

"La bête humaine" d'Emile Zola


PS: J'ai lu ce roman en format PDF que j'ai trouvé sur le site de la "Bibliothèque électronique du Québec".


Citation favorite (1): L’année suivante, il se souvenait d’avoir aiguisé un couteau pour l’enfoncer dans le cou d’une autre, une petite blonde, qu’il voyait chaque matin passer devant sa porte. Celle-ci avait un cou très gras, très rose, où il choisissait déjà la place, un signe brun, sous l’oreille. Puis, c’en étaient d’autres, d’autres encore, un défilé de cauchemar, toutes celles qu’il avait effleurées de son désir brusque de meurtre, les femmes coudoyées dans la rue, les femmes qu’une rencontre faisait ses voisines, une surtout, une nouvelle mariée, assise près de lui au théâtre, qui riait très fort, et qu’il avait dû fuir, au milieu d’un acte, pour ne pas l’éventrer. (Bibliothèque électronique du Québec; Page 107)

Citation favorite (2): "-C’est alors que, sans que j’aie pu ensuite me souvenir comment cela s’est fait, je me suis jetée sur les jambes de l’homme qui se débattait. Oui, je me suis laissée tomber ainsi qu’un paquet, lui écrasant les jambes de tout mon poids, pour qu’il ne les remuât plus. Et je n’ai rien vu, mais j’ai tout senti : le choc du couteau dans la gorge, la longue secousse du corps, la mort qui est venue en trois hoquets, avec un déroulement d’horloge qu’on a cassée... Oh ! ce frisson d’agonie dont j’ai encore l’écho dans les membres!" (Bibliothèque électronique du Québec; Page 454)

Citation favorite (3): La pauvre Lison n’en avait plus que pour quelques minutes. Elle se refroidissait, les braises de son foyer tombaient en cendre, le souffle qui s’était échappé si violemment de ses flancs ouverts, s’achevait en une petite plainte d’enfant qui pleure. Souillée de terre et de bave, elle toujours si luisante, vautrée sur le dos, dans une mare noire de charbon, elle avait la fin tragique d’une bête de luxe qu’un accident foudroie en pleine rue. Un instant, on avait pu voir, par ses entrailles crevées, fonctionner ses organes, les pistons battre comme deux cœurs jumeaux, la vapeur circuler dans les tiroirs comme le sang de ses veines. (Bibliothèque électronique du Québec; Page 595)


Ce livre est l'un des plus noirs et des plus sanglants de Zola. Dès le début, le lecteur est plongé dans un monde violent et inhumain. Violent car les gens ne réfléchissent pas et agissent avec brutalité, et inhumain puisque l'intrigue se déroule dans le milieu ferroviaire. Cela pousse à se poser la question suivante: l'Homme est-il une bête pensante? C'est ce que Zola essaie de démontrer à travers ce roman et surtout à travers le titre. L'oxymore "bête humaine" accentue cette double nature qui composerait l'être humain. Dans ce roman, c'est surtout le côté bestial qui domine. Tout au long du livre, il sera question de vengeance et de meurtre, comme s'il n'existait aucune autre solution. Seule la loi de la jungle règne: "Elle ne raisonnait pas, elle obéissait à l’instinct sauvage de détruire. Quand une épine restait dans sa chair, elle l’en arrachait, elle aurait coupé le doigt. Les tuer, les tuer la première fois qu’ils passeraient ; et, pour cela, culbuter le train, traîner une poutre sur la voie, arracher un rail, enfin tout casser, tout engloutir". (Bibliothèque électronique du Québec; Page 557) Cet extrait illustre cette idée et montre que seul le meurtre peut résoudre les problèmes et permettre aux gens de vivre en paix. L'assassinat paraît ici comme étant un acte extrême, mais en même temps on sent qu'il s'agit de l'unique acte valide et possible qui aidera la personne.

Adaptation du roman en bande dessinée 

Jacques, le personnage principale, est un Macquart. Donc, il porte en lui le gêne de la folie qui est héréditaire chez les Rougon-Macquart: "La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure. Lui, à certaines heures la sentait bien, cette fêlure héréditaire ; non pas qu’il fût d’une santé mauvaise, car l’appréhension et la honte de ces crises l’avaient seules maigri autrefois ; mais c’étaient, dans son être, de subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait, au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait tout. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, à la bête enragée". (Bibliothèque électronique du Québec; Pages 105-106) Sa folie ou son aliénation est très dangereuse car ce protagoniste a du mal à contrôler ses pulsions meurtrières. Dans notre société actuelle, Jacques serait considéré comme étant un tueur en série puisque son envie de tuer resurgit souvent et son mode opératoire est le même.
Jacques a connu quelques moments de bonheur en compagnie de son amante Séverine. Mais cette union est sanglante puisque les deux personnages sont des meurtriers. 
La seule "femme" que Jacques ait vraiment aimée, c'est son train la Lison qu'il conduit depuis des années. Il en prend soin et sent lorsqu'une partie de la machine ne fonctionne pas correctement: "Enfin, avec un souffle pénible, elle démarra, fit quelques tours de roue, étourdie encore, pesante. Ça irait, elle pourrait marcher, ferait le voyage. Seulement, il hocha la tête, car lui qui la connaissait à fond, venait de la sentir singulière sous sa main, changée, vieillie, touchée quelque part d’un coup mortel. C’était dans cette neige qu’elle devait avoir pris ça, un coup au cœur, un froid de mort, ainsi que ces femmes jeunes, solidement bâties, qui s’en vont de la poitrine, pour être rentrées un soir de bal, sous une pluie glacée". (Bibliothèque électronique du Québec; Pages 421)
Ce livre peut ne pas plaire, puisqu'il présente le côté le plus sombre de l'Homme. Divers passages sont scandaleux car ils décrivent des scènes choquantes et violentes: meurtre, viol, suicide... Mais c'est aussi un roman qui critique et questionne le comportement de l'Homme vivant dans une société qui se développe grâce aux diverses inventions. L'Homme retournerait-il vers une nature sauvage? Les machines prendraient-elles le dessus dans la vie des gens? Passerons-nous de la bête humaine à la machine humaine, à la machine bestiale?


Affiche du film de 1938







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